Un colporteur de bibles gravissait un jour l’escalier délabré d’un galetas, dans une chétive maison d’un des quartiers les plus mal famés de Londres. Arrivé en haut, il se trouva vis-à-vis d’un homme à l’air brutal et rébarbatif, qui se tenait sur le palier, les bras croisés, appuyé contre la muraille. Il y avait dans l’expression de sa figure et dans son attitude de quoi inspirer la terreur ; et le premier mouvement du visiteur à son aspect, fut de se retirer ; mais, surmontant cette crainte involontaire, il essaya d’engager une conversation avec ce misérable. Il lui dit qu’il était venu avec le désir de lui faire du bien et de le voir heureux, — et que le livre qu’il avait à la main contenait le secret du bonheur.
Irrité, le scélérat se mit à secouer avec rudesse son interlocuteur, lui signifiant qu’il eût à déguerpir aussitôt avec ses stupidités, sinon il le jetterait du haut en bas de l’escalier. Tandis que le colporteur cherchait, par des paroles pleines de douceur et de bienveillance, à calmer son furieux adversaire, il entendit à sa grande surprise le son d’une voix faible, partant de derrière une porte à moitié disloquée qui donnait sur le même carré. Cette voix, presque éteinte, murmurait ces mots : « Votre livre parle-t-il du sang qui purifie de tout péché ? » Occupé qu’il était de chercher à parler à la conscience d’un pécheur endurci le colporteur ne répondit pas tout de suite à la voix qui l’interpellait. Celle-ci se fit entendre de nouveau et répéta avec plus de force et de clarté : « Dites-moi donc, ah ! dites-moi si votre livre parle du sang qui purifie de tout péché ? »
L’étranger ouvrit la porte et pénétra dans une misérable pièce, n’ayant pour tout ameublement qu’un mauvais tabouret de bois ; et dans un coin un tas de paille sur lequel était étendue une vieille femme aux membres décharnés. À l’arrivée du visiteur, elle s’accouda pour appuyer sa tête, et le regardant fixement de ses yeux brillants de fièvre, elle lui réitéra sa question : « Votre livre parle-t-il du sang qui purifie de tout péché ? » II s’assit auprès d’elle et lui demanda : « Pauvre femme, que désirez-vous savoir au sujet du sang qui purifie de tout péché ? » Elle répondit avec une vivacité étrange et un redoublement d’énergie : « Ce que j’en veux savoir, moi ?… Mais je me meurs, et je m’en vais comparaître nue devant Dieu. J’ai été une femme méchante, très méchante toute ma vie… J’aurai à répondre de tout ce que j’ai fait… » — et elle se mit à sangloter amèrement à ce souvenir d’une vie passée dans l’iniquité. « Mais une fois, continua-t-elle, une fois, il y a bien des années de cela, je passais devant la porte d’une chapelle, et j’entrai, je ne sais pourquoi ni comment ; mais bientôt après je sortis, et je n’ai jamais oublié dès lors une parole que j’entendis là. C’était à propos du sang qui purifie de tout péché. Ah ! si je pouvais en entendre parler à présent. Dites-moi, oh ! dites-moi s’il est parlé du sang qui purifie, dans votre livre ? » Le colporteur ouvrit sa Bible, et répondit à cette demande par la lecture du premier chapitre de la première épître de Jean. La pauvre créature semblait dévorer ses paroles, et lorsqu’il s’arrêta, elle s’écria : « Lisez-m’en davantage, davantage ! » II lui lut le deuxième chapitre ; — un léger bruit se fit entendre ; il détourna la tête : c’était le scélérat qui l’avait suivi jusque dans la chambre de sa mère ; et bien que ce malheureux eût le visage tourné de côté, l’étranger aperçut de grosses larmes qui roulaient sur ses joues. Ce ne fut qu’après la lecture du troisième, puis du quatrième et du cinquième chapitre que la pauvre vieille consentit à ce qu’il s’arrêtât, mais elle ne voulut pas le laisser partir sans qu’il lui eût promis de revenir le lendemain.
Depuis ce moment-là jusqu’à ce qu’elle mourut, six semaines plus tard, il ne manqua pas un seul jour de venir lui lire la Parole de Dieu, et c’était un bonheur de voir comment, dès les premières lectures, elle paraissait avoir trouvé la paix en croyant en Jésus.
Et chaque fois que le colporteur venait, le terrible homme d’autrefois le guettait pour le suivre dans la chambre de sa mère ; et là, ce malheureux écoutait en silence, mais non sans intérêt, la Parole. Enfin, la vieille femme mourut ; et le jour de l’enterrement, tandis qu’on refermait la fosse où l’on venait de descendre sa dépouille mortelle, son fils se tourna vers celui qui les avait visités avec tant de sollicitude, et lui fit signe de venir vers lui. Alors il lui dit : « Monsieur, j’ai pensé qu’il n’y a rien au monde que je souhaiterais autant que de consacrer désormais ma vie à parler à d’autres du sang qui purifie de tout péché. »
Cher lecteur, le Seigneur Jésus-Christ a satisfait, béni soit son nom, à tous les droits que le Dieu juste et saint puisse avoir contre un pécheur ; il y a satisfait pour quiconque croit en lui. — La mort n’est-elle pas les gages du péché ? Eh bien ! Christ est mort pour des impies. (Rom. 5:6.) — Le jugement suit-il la mort ? Oui, mais le Christ a été offert pour porter les péchés de plusieurs. (Hébr. 9:28.) — Quelqu’un me demandera : « Comment parviendrai-je à Dieu ? » « Par le sang de Jésus, » dit l’un des apôtres. — « II a souffert — le juste pour les injustes — afin de nous amener à Dieu, » dit un autre. Ainsi, notre état misérable ayant été complètement mis à nu dans la lumière de Dieu qui voit tout, qui connaît tout, le Seigneur Jésus-Christ a fait face à tout ; il a répondu à tout, il a satisfait à tout ce qu’exigeait la sainteté de Celui qui a les yeux trop purs pour voir le mal.
Que reste-t-il à faire maintenant ? Pas autre chose qu’à croire que Jésus a tout fait. — Vérité merveilleuse ! Grâce sans pareille ! Dieu se montre juste envers le Christ, en pardonnant les péchés de quiconque croit en Jésus, et se repose sur l’œuvre parfaite et achevée du Sauveur. — Et pourquoi Dieu est-il satisfait ? Parce que Jésus a porté le jugement que nous avions mérité ; il a porté le jugement du péché, et pour cela il est entré dans les pensées de Dieu à l’égard du péché et de notre culpabilité, de sorte qu’il a glorifié Dieu dans l’œuvre de la rédemption.
Et maintenant, Christ, ressuscité d’entre les morts par la puissance de Dieu, et assis à sa droite dans le ciel, est le témoin aussi bien que la preuve, que toute l’œuvre est faite, et plus encore — que Dieu reçoit avec joie celui qui s’approche ; il le reçoit avec une joie qui devient réciproque, qu’il veut partager avec nous, car il dit : « Mangeons » (et non pas seulement mange, toi), « faisons bonne chère. » Le salut est par la grâce ; la vie éternelle est le don de Dieu.
Pour le pécheur, tout est pure grâce ; c’est Christ qui a porté toute la peine du péché. Par son précieux sang, il a obtenu une rédemption éternelle ; et Dieu peut avec justice, en vertu de l’œuvre de Christ, manifester sa grâce en faveur du pécheur repentant. Quel solide appui, quel fondement permanent pour l’âme du croyant ! Le sang peut-il jamais manquer ? Peut-il en rien perdre sa puissance, sa vertu, pour purifier le plus misérable, le plus impie, le plus infâme des pécheurs qui vient à Jésus ? Jamais, jamais !
Croyez donc la fidèle Parole de Dieu. Mettez toute votre confiance dans l’œuvre parfaitement accomplie de Christ, et vous serez sauvé. (Actes des apôtres 16:31.)
Le Salut de Dieu, 1873-4, p. 269